Deux mois avant Noël, dans une France politiquement fragmentée et économiquement tendue, que reste-t-il de la magie de cette fête ? Plus qu’on ne pourrait le croire. Le Baromètre Noël 2025 de Générations & Co, réalisé auprès de 517 parents d’enfants de 14 ans et moins les 30 septembre et 10 octobre, révèle une résilience familiale remarquable face aux turbulences. Entretien avec Isabelle Cussac, fondatrice et directrice générale de Générations & Co.

Oui, et c’est précisément ce qui est frappant. Noël demeure ce que nous appelons un « sanctuaire familial ». Malgré les tensions politiques, l’inflation, l’incertitude ambiante, les familles ne sont pas prêtes à lâcher ce moment. C’est même l’inverse : elles s’y accrochent comme à une bouée.

Ce qui a changé depuis nos premiers baromètres il y a 15 ans, c’est que ce maintien est désormais conscient, presque militant. Les familles savent qu’elles protègent quelque chose d’essentiel. 61% maintiennent ou augmentent leurs dépenses par rapport à 2024, mais ce n’est plus de la consommation aveugle – c’est un choix délibéré de préserver la magie.

Bien sûr. Mais regardez comment elles gèrent cette contrainte : 85% des familles dépenseront entre 50€ et 149€ par enfant. C’est cohérent, maîtrisé. Et surtout, 82% des achats sont réalisés avant décembre ! Cette anticipation témoigne d’une planification rigoureuse. Les familles ne veulent plus subir Noël dans l’urgence et le stress – elles le préparent.

Ce qui me frappe, c’est cette capacité à tenir le cap malgré l’inflation citée par 30% des répondants. Le budget de Noël n’est pas sacrifié. Il est arbitré. C’est très différent.

Le chiffre le plus révélateur : 38% des parents souhaitent « réduire le nombre de cadeaux mais choisir mieux ». Ça peut sembler modeste, mais c’est un basculement majeur dans la façon d’envisager Noël.

Et la grande surprise – celle qui change la donne – c’est que cette évolution est motivée à 44% par le refus de la surconsommation, contre seulement 25% pour des raisons budgétaires. Les valeurs devancent les contraintes. C’est inédit dans l’histoire de nos baromètres.

On observe également un déplacement vers de nouveaux types de cadeaux :

• 40% s’intéressent aux jouets connectés et interactifs
• 35% aux expériences immersives
• 29% aux kits éducatifs STEM
• 15% aux jouets éco-responsables

Ce n’est plus « moins pour moins cher », c’est « moins mais plus pertinent ». La nuance est fondamentale.

Ils sont moteurs, et c’est probablement l’enseignement le plus important de cette étude.

Regardez ces chiffres :

• 67% des parents estiment que leurs enfants accepteraient moins de cadeaux
• 77% pensent qu’ils seraient ouverts à des expériences plutôt qu’à des objets
• 75% imaginent qu’ils accueilleraient favorablement des cadeaux d’occasion

C’est considérable. Nous avons là une génération qui grandit avec de nouvelles valeurs ancrées. L’éducation à la sobriété, la conscience environnementale ne sont plus des discours adultes que les enfants subissent – ils les portent eux-mêmes.

Et cela transforme la dynamique familiale : les parents ne s’imposent plus de renoncements culpabilisants, ils accompagnent une évolution demandée par leurs enfants.

L’élan fertile, c’est cette capacité à se transformer positivement, même – surtout – dans l’adversité, pour les générations futures. Et c’est exactement ce que font ces familles.

Face à un contexte difficile, elles auraient pu :

• Soit sacrifier Noël (la solution économique pure)
• Soit maintenir à l’identique en s’endettant (le déni)
• Soit vivre dans la culpabilité permanente (la posture moralisatrice)

Au lieu de cela, elles inventent un autre Noël. Un Noël où la magie reste intacte, mais où le sens l’emporte sur la quantité. Un Noël où l’amour des relations prime sur l’accumulation. C’est une forme de fécondité dans la contrainte – exactement ce que la transition écologique nous demande à tous.

La capacité d’anticipation. 82% d’achats avant décembre, ce n’est pas anodin. Cela signifie que les familles se sont organisées dès septembre-octobre. Elles ont décidé de reprendre la main sur Noël, de ne plus le subir dans l’urgence consumériste de décembre.

Cette planification leur permet de :

• Comparer, choisir mieux
• Profiter de promotions sans céder à l’achat impulsif
• Intégrer des cadeaux d’occasion ou de seconde main dans leur parcours
• Préserver leur budget global
• Réduire leur stress

C’est un Noël maîtrisé qui émerge. Plus adulte, plus conscient, mais pas moins magique.

Nous sommes à un moment charnière.

Il y a 15 ans, Noël était encore largement défini par l’industrie du jouet et la grande distribution. Les catalogues faisaient la loi, les enfants réclamaient ce qu’ils voyaient à la télé, les parents achetaient dans une forme d’automatisme.

Aujourd’hui, les familles reprennent le pouvoir. Elles choisissent leur Noël. Elles le façonnent selon leurs valeurs, leurs contraintes, leurs aspirations. Ce n’est plus « le » Noël imposé, c’est « leur » Noël construit.

Cette étude me rend optimiste. Non pas parce que les familles consommeraient moins – ce n’est pas vraiment le cas. Mais parce qu’elles consomment différemment, en conscience. Et surtout, parce que leurs enfants les accompagnent, voire les devancent dans cette évolution.

Le Noël de demain sera sans doute moins marchand, mais il ne sera pas moins joyeux. Il sera simplement plus juste.

Que la bataille de Noël ne se joue plus sur la quantité de cadeaux sous le sapin, mais sur la pertinence de chaque cadeau. Les familles cherchent du sens, de la qualité, de la durabilité. Elles veulent des produits qui :

• Durent dans le temps
• Stimulent vraiment leurs enfants
• Créent du lien familial
• Respectent leurs valeurs environnementales

40% s’intéressent aux jouets interactifs, 35% aux expériences immersives, 29% aux kits éducatifs… Ce ne sont pas des lubies, ce sont des signaux forts. Les familles veulent des cadeaux qui font quelque chose – qui éduquent, qui créent de l’expérience, qui rassemblent.

Les marques qui comprendront cela, qui accompagneront ce mouvement plutôt que de le combattre, seront celles qui resteront dans le cœur des familles.

Méthodologie : Étude auto-administrée en ligne réalisée les 30 septembre et 10 octobre 2025 auprès de 517 parents d’enfants de 14 ans et moins.